Le loyer impayé est l’un des cauchemars les plus redoutés des propriétaires. Lorsque le locataire cesse de payer, les conséquences financières peuvent rapidement s’accumuler, surtout si le logement constitue une source principale de revenu pour le bailleur.
Mais en Belgique, l’expulsion d’un locataire ne peut pas se faire unilatéralement. Il existe une procédure légale stricte à respecter, destinée à protéger à la fois les droits du propriétaire et ceux du locataire. Toute expulsion forcée sans décision judiciaire est strictement interdite et peut même être pénalement sanctionnée.
Dans cet article, nous vous expliquons les étapes légales qu’un bailleur doit suivre en cas de loyer impayé, ainsi que les délais, recours, et précautions à connaître.
1. Loyer impayé : que dit la loi belge ?
Le paiement du loyer est l’obligation principale du locataire dans tout contrat de bail. Lorsqu’il y a manquement, le bailleur peut engager une procédure pour résilier le bail et récupérer son bien.
Le principe fondamental :
Aucune expulsion ne peut avoir lieu sans une décision du juge de paix.
Même en cas de plusieurs mois d’impayés, le propriétaire ne peut pas changer la serrure, couper les compteurs, ou menacer le locataire de vive voix ou par écrit. Ces pratiques sont illégales.
2. Première étape : envoyer une mise en demeure
Dès le premier mois de loyer impayé, il est conseillé de réagir rapidement.
La mise en demeure permet :
- De rappeler l’obligation de paiement,
- De fixer un délai clair pour régulariser la situation,
- De constituer une preuve écrite si la situation évolue vers une action en justice.
Contenu de la mise en demeure :
- Coordonnées du bailleur et du locataire,
- Adresse du bien loué,
- Montant du loyer impayé (avec détail des mois concernés),
- Délai de paiement (généralement 8 à 15 jours),
- Mention qu’à défaut, le bail pourrait être résilié en justice.
La mise en demeure peut être envoyée :
- Par lettre recommandée avec accusé de réception,
- Ou par exploit d’huissier, ce qui renforce encore la validité.
3. Saisir le juge de paix : l’unique voie d’expulsion légale
Si, malgré la mise en demeure, le locataire ne régularise pas sa dette, le bailleur peut introduire une demande auprès du juge de paix du canton où se situe le logement.
Comment introduire la demande ?
- Soit via comparution volontaire des deux parties,
- Soit via citation à comparaître par huissier de justice (option la plus courante en cas de conflit).
Ce que peut demander le propriétaire :
- La résolution du bail pour non-paiement,
- La condamnation du locataire au paiement des arriérés de loyers,
- L’expulsion du locataire, avec éventuellement une astreinte journalière,
- La récupération des frais de procédure et d’huissier.
Le juge examine :
- La gravité de la situation (nombre de mois d’impayés),
- Les circonstances du locataire (maladie, accident, perte d’emploi…),
- La bonne foi ou non des parties.
4. La décision du juge de paix
Après audition des parties (généralement dans un délai de 3 à 6 semaines), le juge de paix rend un jugement motivé.
Trois scénarios possibles :
- ✅ Paiement accordé : le locataire bénéficie d’un délai de paiement et le bail se poursuit sous conditions.
- ✅ Résolution du bail avec expulsion : si les impayés sont sérieux et persistants.
- ✅ Rejet de la demande : si le bailleur ne démontre pas les manquements, ou en cas de vice de procédure.
Si le jugement ordonne l’expulsion, il est notifié officiellement par un huissier. Le locataire a un délai de 1 mois pour faire appel, sauf s’il a été jugé par défaut (sans s’être présenté).
5. Délai d’expulsion et rôle de l’huissier
L’expulsion ne peut intervenir que 1 jour ouvrable au moins après la signification du jugement. En pratique, il s’écoule souvent plusieurs semaines entre le jugement et l’expulsion effective.
L’huissier peut :
- Fixer une date d’expulsion avec la police locale,
- Forcer l’entrée, si nécessaire, avec un serrurier et le soutien des forces de l’ordre,
- Dresser un inventaire des biens laissés sur place.
6. La trêve hivernale : une protection temporaire du locataire
En Wallonie et à Bruxelles :
La trêve hivernale s’étend généralement du 1er novembre au 15 mars. Durant cette période, aucune expulsion effective ne peut avoir lieu, sauf cas particuliers (ex : squat, danger pour la santé publique…).
Le jugement peut cependant être rendu pendant cette période, mais son exécution sera suspendue jusqu’à la fin de la trêve.
En Flandre :
Il n’existe pas de trêve hivernale formellement prévue, mais les juges peuvent décider au cas par cas de différer l’expulsion en tenant compte des conditions sociales.
7. Et après l’expulsion ? Récupérer les arriérés de loyers
Une fois le logement récupéré, le propriétaire peut encore :
- Tenter de recouvrer les sommes dues (via saisie sur salaire ou compte bancaire),
- Engager une procédure de recouvrement forcé, via un huissier,
- Consulter une assurance loyers impayés, si souscrite avant la location.
💡 Attention : dans de nombreux cas, les arriérés sont irrécouvrables, notamment si le locataire est insolvable.
8. Comment se prémunir contre les loyers impayés ?
Avant même la location, certaines précautions peuvent limiter les risques :
🔎 1. Sélection rigoureuse du locataire
- Demander les trois dernières fiches de salaire,
- Vérifier les garants éventuels,
- Prévoir un revenu mensuel au moins 3x supérieur au loyer.
💰 2. Constituer une garantie locative
- Montant maximum : 2 mois de loyer (pour bail de résidence principale),
- À placer sur un compte bloqué au nom du locataire.
🛡️ 3. Souscrire une assurance loyers impayés
- Certaines compagnies proposent des formules avec protection juridique, recouvrement et prise en charge des loyers.
📄 4. Prévoir des clauses claires dans le bail
- Délai de paiement,
- Modalités de résiliation,
- Clause résolutoire en cas de manquement grave.
Conclusion : patience et rigueur en cas de loyer impayé
Le loyer impayé est une situation délicate mais la loi belge encadre strictement la procédure. Le propriétaire ne peut ni expulser de force, ni faire justice lui-même.
Il doit passer par :
- Une mise en demeure formelle,
- La saisine du juge de paix,
- Et, en cas de décision favorable, l’intervention d’un huissier.
Tout manquement à cette procédure peut entraîner des sanctions pour le propriétaire, et ralentir encore plus la récupération du bien.
👉 En cas de doute, il est fortement recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit du bail. Vous pouvez trouver un avocat proche de chez vous via notre plateforme.